La presse ivoirienne est multiple et compte de nombreux titres, des médias imprimés comme online, ainsi qu’une forte représentation de l’audiovisuel. Si la démocratisation de la presse web a permis un meilleur accès des populations à l’information, elle a par ailleurs engendré une explosion des fausses informations et participé à la dégringolade des versions « print ». Salifou Dabou, plus connu sous le pseudonyme Salif D. Cheickna, est Chef du service Actualités, à la rédaction Web du journal pro-gouvernemental Fraternité Matin. Pour Clipse.me, il raconte son métier et dresse l’état des lieux de la presse ivoirienne aujourd’hui. Interview.
Clipse : Pouvez-vous présenter votre média et vos missions au sein de la rédaction ?
Salifou Dabou : Mon média, www.fratmat.info est le journal en ligne de la Société national de presse et d’édition de Côte d’Ivoire (Snpeci), éditrice du quotidien pro-gouvernemental Fraternité Matin. Si ce quotidien date du 9 décembre 1964, le journal en ligne a été créé en 2004. Concernant la ligne éditoriale, nous sommes un pendant du quotidien pro-gouvernemental, accompagnant les actions du gouvernement pour mieux informer les populations. Le groupe compte une cinquantaine de journalistes, dont neuf travaillent à la rédaction Web.
De mon côté, j’ai en charge la coordination de l’ensemble des rubriques sur le site. Je traite l’ensemble de l’actualité nationale et internationale, aussi bien en politique, société, économie, etc. Cependant, je suis un journaliste de Culture spécialisé dans les arts visuels. Sensible au cinéma, je suis par exemple constamment présent au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou et d’ailleurs, membre du Réseau des journalistes et communicateurs engagés pour le cinéma dénommé « Grand Ecran ».
Notre média jouit d’une grande indépendance dans le traitement des informations relatives aux actions du gouvernement. Outre les informations qui ont trait à tout ce qui qui concerne l’action publique, lorsque nous repérons des informations intéressantes, les journalistes proposent immédiatement les sujets.
Clipse : Quel est l’état des lieux du paysage audiovisuel en Côte d’Ivoire aujourd’hui ?
Salifou Dabou : Le paysage audiovisuel est dominé par la forte audience des chaines du Groupe RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne). Selon une étude diffusée récemment, RTI 1 et RTI 2 occupent la première et troisième place en termes d’audience cumulée avec respectivement 25,3 % et 12,6 % de part d’audience. Les chaines Fréquence 2 et Radio CI se positionnent à la deuxième et quatrième place en termes de part d’audience avec respectivement 22 % et 12 %, selon le cabinet MCMY. Cependant, force est de reconnaitre que l'on assiste à une véritable bataille de l'audience avec les quatre chaines de télévision que sont NCI, Life Tv, A+ Ivoire et 7info.
Dans le paysage audiovisuel ivoirien, l'on dénombre 192 stations de Radio autorisées dont 3 radios de service public (Radio Côte d’Ivoire, Fréquence 2 et radio Bouaké), 5 radios non nationales (Medi1, RFI, BBC, VOA, Africa Radio), 5 radios privées commerciales (Trace FM, Hit Radio, Vibe Radio, Nostalgie, Jam FM), 178 radios privées non commerciales (16 radios confessionnelles, 7 radios écoles, 7 radios rurales, 148 radios de proximités) et 1 radio institutionnelle (Radio de la Paix – Attécoubé).
Clipse : Que dire de l’impact de la croissance des médias en ligne sur les versions papier ?
Salifou Dabou : Il faut reconnaitre qu’avec l’explosion des médias en ligne, l’on a assisté à ce qu’on pourrait appeler une démocratisation de l’information accessible à tous. Mais le bémol, ce sont les Fake News ! La presse numérique ivoirienne de création récente est moins structurée. D’où la nécessité pour le régulateur - en Côte d’Ivoire, il s’agit de l’Autorité nationale de la presse (ANP) - d’agir pour une meilleure réglementation des médias en ligne. Car beaucoup bénéficient également des subventions et des aides de l’État. Par ailleurs, en Côte d’Ivoire, cette explosion des médias en ligne influe énormément sur le « print », provoquant un déclin. Je suppose que la situation est générale dans toute l’Afrique.
Une étude diagnostique sur la situation des médias en ligne révèle que l’identification des supports qui la composent est fastidieuse. Cependant, le Réseau des Professionnels de la Presse en Ligne de Côte d’Ivoire (REPRELCI) a initié un travail de recensement. Le réseau a dressé un répertoire en cinq principales catégories. Ainsi, aujourd’hui dans le pays, ont été recensées : 41 journaux en ligne, 10 agrégats ou portails, 4 Web-TV, 1 Web-Radio et 3 agences de presse, soit un total de 59 supports qui diffusent de manière régulière l’information sur Internet. Mais le nombre des éditeurs de droit ivoirien d’informations sur le web est en vérité largement supérieur.
D’après un rapport de recensement des sites web d’informations remis aux autorités du pays le 21 janvier 2015, le secteur emploie plus de 316 personnes, dont 186 journalistes professionnels, soit 20,66% des journalistes professionnels de la Côte d’Ivoire.
La presse imprimée ivoirienne semble être de son côté un secteur à l’agonie. Selon l'Autorité nationale de la presse (ANP), le chiffre d'affaires cumulé de la presse quotidienne est passé de 6 milliards FCFA à moins de 2 milliards de FCFA, entre 2011 et 2021, soit une chute de 70% en dix ans !
Clipse : La population ivoirienne préfère donc s’informer sur internet aujourd’hui ?
Salifou Dabou : En Côte d'Ivoire, le taux de pénétration d’Internet était de 46,8% en janvier 2021. A cette date, la Côte d’Ivoire comptait 12,50 millions d’internautes. Et les utilisateurs de médias sociaux étaient 5,90 millions en janvier 2021. Avec ce public très connecté, on peut affirmer que les médias en ligne et les réseaux sociaux constituent aujourd'hui la première source d'information des Ivoiriens.
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